Ascenseur OTISTES

- Lou... Est-ce que t'as picolé depuis la dernière fois? Je nie du chef. T'as les yeux rouges. Je hausse les épaules. Souffle pour voir.

Je souffle dans son alcootest. J'm'en fous, je sais que c'est négatif. Le temps qu'il regarde les résultats, je pose mon coude sur le bureau et je cale le menton dans la main. Je baille. J'ai pas beaucoup dormi cette nuit, ça a été mouvementée. Ici, dans les bureaux, il fait bon, ça me donne envie de dormir, et mes yeux se ferment. Un coup violent contre la table me fait sursauter et me réveille totalement.

- C'est pas un hôtel!

Qu'il gueule. Ouai, je sais, mais quand même, j'aimerai bien dormir un peu. Le policier gras du bide gribouille un truc dans son carnet de notes, un autre truc sur l'ordinateur. Je remarque qu'il n'utilise que les index pour taper au clavier. C'est la seule chose de marrant de la journée d'ailleurs. Mon ventre gargouille et le policier se fout de ma tronche en me disant que je devrais manger. J'ai envie de lui faire bouffer son propre gras, on verra comment il s'en sortira, ce c*n. Bref, au bout de plusieurs longues minutes, il me dit que je peux y aller, me donne un autre rendez-vous pour la semaine prochaine. Même jour, même heure. Ce qu'il peut être chiant. Ici? Encore? Je me lève et sans un mot, je retourne à l'ascenseur. J'suis vraiment pas fan des ascenseurs, mais bon, j'ai pas trop le choix, j'ai aucune idée d'où sont les escaliers un type grand et costaud arrive en même temps que la porte s'ouvre et on rentre tout les deux dans la cage vide. J'appuie sur le bouton 0 et je me cale dans un coin, j'ai pas envie de me faire remarquer. Mais peut-être 12 secondes plus tard, évidemment après la fermeture des portes, après le départ de la cage vers le sol, un sursaut ébranle toute la cabine et je m'accroche à la rambarde. P*tain, j'aime pas les ascenseurs! Ma tête part en arrière, je ferme les yeux. Ne pas paniquer, ne pas paniquer, ne pas paniquer.

Ascenseur OTISTES

J'aime pas les ascenseurs. Ca me rappelle trop la prison et j'ai pas envie d'y retourner. Rester enfermer dans une cage à lapin ou une boite de sardine, c'est pareil. J'en tremble de tout mon long. Le type me cause. J'aurai bien envie de lui dire d'aller se faire voir, mais on est quand même dans un commissariat de police et y'a de grandes chances pour qu'il soit un policier. J'ouvre les yeux et le fixe. Il a la gu*ule, mais pas l'air, c'est marrant... Enfin bon. Mieux vaut ne pas se le mettre à dos.

- Nan et ouai, un peu.

Ca suffit. J'ai répondu à ses deux questions après tout. Est-ce que c'est le karma? Mais tout à coup, l'ascenseur se bloque, il se stoppe net dans sa progression vers le bas dans une secousse digne d'un panier à salade. Je déglutis, m'accrochant de plus belle à la rambarde. Un souffle traverse mes lèvres, tremblant. Je regarde le panneau de contrôle et j'ai envie d'appuyer sur tous les boutons, pourtant, je reste dans mon petit coin. Je suis en jean noir, converses noires et un sweat à capuche noir également. Je chouine comme un gamin.

- Qu'est-ce que c'est que ce b*rdel... J'veux sortir...

La panique arrive à grand pas là... Elle va me pêter à la tronche pour pas dire de gros mot et il va rien comprendre le type à côté. J'espère qu'il sait y faire avec la panique, parce qu'à tout moment, je sens que je vais lacher prise...

Ascenseur OTISTES

"Ca va aller, c'est un vieil ascenseur..."

- QUOI?

J'entends même pas la suite, ou plutôt mon cerveau refuse d'accepter la suite. C'est un p*tain de vieil ascenseur! J'vais mourir! Je vais mourir dans une petite boite minuscule accroché à un vieux filin tout moisi à plusieurs dizaines de mètres du sol. On va décrocher et on va s'écraser par terre. Ou alors, nan, pire, la cage va rétrécir, les murs vont se ratatiner sur nous et on va mourir compressés. Oui, oui, je sais, l'esprit joue des tours, mais dans la panique, je suis incapable de contrôler où vont mes pensées et je n'arrive pas à être rationnel. P*tain, j'aurai du vraiment prendre les escaliers, tant pis si j'étais fatigué... Au pire, j'aurai dormi dans les escaliers. Jamais personne ne passe par là. Pourquoi j'ai pas pris ces p*tains d'escaliers?

Quand l'ascenseur s'arrête ou bien se coince, ou bien... freine, j'en sais rien et que l'idée que l'ont est bien coincé pour un bout de temps là-dedans, dans cette boite de sardines en suspension accroché par un fil qui à l'air aussi vieux que les dinosaures, je sens mes genoux qui flageollent, je me laisse glisser contre la paroi jusqu'à ce que mon derrière touche le sol.

- Lou...

Ma voix tremble. Je ferme les yeux tentant vainement de me reprendre, mais chaque seconde qui passe, me dit que je vais mourir asphyxié, je perds de plus en plus cette volonté de garder la tête froide. Dans mon esprit s'installe aussi le fait que je suis déjà dans une prison et elle est pire que celle que je viens de quitter. Ici, il n'y a pas de barreau, pas de fenêtre, rien, rien que cet homme et cet homme, je suppose est un policier, vu qu'on est dans un commissariat de police. Sans m'en rendre compte, je commence à basculer la tête, d'avant en arrière et mes lèvres dans leur litanie laissent échapper quelques souffles qui trahissent mon inquiétude.

- Je veux sortir, je veux sortir, je veux sortir...

Ascenseur OTISTES

"Du calme, il a été contrôlé il y a peu de temps, il ne va pas lâcher, on ne va pas tomber."

J'aurai bien aimé lui dire que si justement il a été contrôlé, c'est qu'il y avait un problème! On contrôle pas quelque chose qui fonctionne à merveille! Mais dans mon état, je ne pense plus clairement, c'est à peine si j'arrive à l'entendre. C'est là qu'il me demande comment je m'appelle. Et faut dire que ça me calme un chouillat, mais vraiment un chouillat. Et en plus il vient de réduire cet espace déjà trop petit. Il me bloque la vue, j'ai l'impression d'être dans un tout petit coffre fort dont on a perdu la clé. L'air vient à manquer, je... J'étouffe! Je veux sortir, bordel, je veux sortir! La seule manière qu'il me reste, c'est l'autopersuasion. Je tente cette approche, mais c'est à peine si j'arrive à ne pas paniquer... plus. Au moins, je n'empire pas. Je sens l'arrière de mon crane toucher la paroi à chaque mouvement, le fait que ma tête cogne me ramène un peu plus à la réalité, alors je continue. Jusqu'à ce que ses mains empoignent mon visage. Hein?

- M-mon... mon âge? Je me suis totalement immobilisé, le regardant avec des grands yeux surpris. Inquiets, mais surpris. Ca fait belle lurette que je ne me suis pas posé la question de mon âge. J'ai quel âge? Je... Au moins, la question a le mérite de m'avoir fait complètement oublié où je me trouve. J'ai quel âge? Comment je peux le savoir? Mille... 1990. Je suis né en 1990... Ca faiiiiit ? ... 33. J'ai 33 ans. Il a dit qu'il s'appelait comment déjà? Allen, je... J'arrive p'u à respirer...

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J’ai vraiment l’impression que mes poumons sont vides et que l’air ambiant… bah qu’il n’y ai plus d’air ambiant. Je suis dans une cloche sous vide. Je… Je ne veux pas. Je… J’ai besoin de sortir. La boite de sardine suspendue et immobilisée dans le vide, elle est bien trop petite. J’aimerai pouvoir me lever et défoncer cette porte, mais rien que l’idée, ça me donne le vertige. Il faut que je m’assois, il faut que je…

C’est là qu’il me demande mon âge. Qui poserait cette question ? Je le regarde surpris. Il faut que je fouille dans ma mémoire pour savoir quel âge j’ai. En prison, on ne m’a jamais demandé mon âge. Avant, je m’en foutais royal, alors là… J’ai quel âge. J’arrive tout de même à me rappeler de ma date de naissance, en tout cas de l’année. Donc le calcul est vite fait. Il m’aurait donné moins. Ouai, je sais, j’ai toujours eu une tête de sale gosse, ça m’a toujours fait rire, ce truc et je l’ai usé plein de fois, cette bonne bouille qu’on me donne. Mais j’avoue que là, c’est pas vraiment le moment. Je suis un, fatigué, deux, totalement paniqué. J’arrive pas à respirer, je suis au bout de l’apnée, là.

Il me dit de ne le regarder que lui. Instinctivement, c’est ce que je fais. Des petites respirations, euké… Mais mes poumons ne se remplissent pas. Enfin, c’est l’impression que ça me fait. Je tente d’inspirer de l’air, mais, j’ai pas l’impression que ça fonctionne. Mon cerveau me joue des tours d’après ce qu’il dit. Je vois le geste qu’il fait du coin de l’oeil. Et à peine a-t’il eu le temps de poser sa main sur mon ventre, que j’ai déjà saisi son poignet. L’instinct de conservation, sans doute. Les coups de cutter ou de lame de rasoir en prison probablement. Je repousse sa main vivement.

- Me touche pas ! que je gueule, sortant cette colère d’on-ne-sait-où. Sur mes traits, on peut y lire à tour de rôle la colère, la peur, la haine, la terreur, l’incompréhension… comme le ressac de la mer sur une falaise. Je chouine de nouveau parce que j’ai l’impression d’avoir arraché mes poumons en gueulant. Mes bras entourent mon torse. Je veux sortir de ce clapier ! Je veux pas y retourner, je veux pas y retourner, je veux pas y retourner, je veux pas y retourner... que je me répète en boucle, leitmotiv, litanie, appelez cela comme vous voulez.

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L'instinct de conservation, c'est exactement ça. C'est comme un grand feu qui me brule de l'intérieur et sa main a été le souffre de l'allumette. J'avais ce grand brasier éteint. Il manquait juste une étincelle. Et bingo, il a rallumé la flamme. C'est vrai que ça me permet d'oublier totalement, d'oculter complètement ce qui nous arrive dans cet ascenseur de malheur. J'ai la rage. La rage aux tripes. Je ne me laisserai pas faire. C'est parti d'un coup comme ça. Peut-être qu'il avait une bonne intention et qu'il voulait m'aider. C'était surement le cas. Mais l'instinct de survie a été plus fort que tout et je me suis défendu, je l'ai repoussé. Et s'il lève les bras en signe de rédition, je ne compte pas calmer mes nerfs tout de suite. Y'a jamais de coups pour rien en prison. Une attaque est toujours suivie d'une autre. D'ailleurs, il ne tarde pas à attaquer de nouveau. Dans l'aveuglement de la haine qui me pousse, je ne vois que ça. Il m'attaque. Ses mains se plaquent de nouveau de part et d'autres de mon visage et les miennes, de mains, s'agrippent à ses poignets, voulant le repousser. Je le savais! Une deuxième attaque.


"Lou, écoute moi! Tu ne veux pas retourner où?" Je fronce les sourcils. Comme s'il s'y intéressait! "[...] Tu veux pas te battre?" C'est lui qui veut se battre, c'est lui qui m'attaque! "Montrer que tu as le dessus?" J'ai tou... "Ou alors tu veux montrer que tu es une fillette ayant peur de tout?" Ah... Si la colère s'était réveillée, elle est désormais à son paroxysme. Et je crie un truc qui me vient des tripes, d'une seule voyelle, la première de l'alphabet. Je tente de le repousser avec toute ma rage et ma force.

- LA OU DES TYPES COMME TOI ENFERMENT DES GAMINS COMME MOI!

Je sais, c'est con. Il est en rien responsable pour ce que moi j'ai fait. Je sais que je suis responsable, mais la colère m'aveugle complètement et fait des connexions avec des évènements qui n'ont rien à voir ensemble. Mais voilà, j'ai un trop-plein de colère en moi qui n'est jamais ou peu sorti. Et là, mon "objectivité", du moins l'attitude que j'ai dans la vie de tous les jours vient d'être assassinée par la peur panique de me retrouver enfermé dans une petite boite en suspension dans les airs sans aucun moyen de s'échapper! Mes poings sont serrés, les muscles tendus. Je sais me battre. Pas dans les règles de l'art. J'ai jamais fait de boxe ou de sport de combat. Je sais me battre avec ce que je trouve sous la main, comme on le fait dans la rue. Je ne suis pas le plus fort, j'en suis même très loin, mais d'ordinaire, j'arrive à éviter pas mal les coups. Sauf que là, c'est moi qui les donne, les coups. Je lance les poings dans sa direction, n'ayant pas vraiment l'objectif de le toucher, juste de déverser cette colère qui m'habite.

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Dans les étages, quelques policiers commencent à taper contre les portes, se demandant bien ce qu'il se passe. Mais perso, je n'écoute pas, je suis trop pris par cette colère qui n'a pas lieu d'être. J'ai beaucoup trop de rage à cet instant précis et il faut qu'elle sorte. Par n'importe quel moyen. Alors tel un chat sauvage, j'attaque. J'ai juste les tripes qui me disent que je dois cogner, tant pis si ça touche, tant mieux si ça touche, j'en sais rien, je ne pense pas à ça, je veux juste qu'il arrête. Pourquoi ça tombe sur lui? Il a rien fait! C'est juste un pauvre type qui prend l'ascenseur en même temps que moi. C'est juste un pauvre type qui a voulu m'aider alors que j'avais l'impression d'étouffer et de mourir asphyxié dans cette boite métallique. Lui, parce qu'il est juste devant moi et qu'il a réveillé la peur panique de ne pas vouloir retourner en prison. Ses paroles rappellent d'autres souvenirs, enfouis au fin fond de ma cervelle. Et ça n'aide pas non plus. Si la rage m'habitait, là, elle se multiplie et j'ai le père, la mère, les grands-parents et les petits frères et soeurs de la rage en moi!

- La cave! Les coups de ceinturon! Je veux pas y retourner!

A un moment je cogne la paroi. Tellement fort que ça en déchire la peau et quelques gouttes de sang s'écrase sur le métal. J'ai même pas l'air de m'en rendre compte.

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Je ne me rends pas compte à quel point la situation est totalement explosive. Pourquoi j’ai pêté les plombs comme ça ? C’est juste incroyable. Mais mon esprit ne peut pas se concentrer sur la peur panique d’être enfermé ici, dans cette boite de sardines et le fait qu’il me provoque à un tel point que j’en perds toute notion de contrôle. Je suis chez les flics, ceux-là même que je déteste le plus au monde et pourtant, je suis en train de gueuler, pester, beugler comme un putois parce que l’un d’entre eux me fait revivre des trucs que je préfèrerais oublier.

Qui m’a frappé ? Parce qu’il aimerait que je lui dise ? Mais je ne le connais pas ce type ! Alors nan, je ne lui dirais pas. Je ne veux pas qu’il fasse l’étalage de ma vie, je préfère le cogner. D’ailleurs, depuis le temps où j’ai levé les poings, je ne sais même pas si j’ai touché ne serait-ce qu’une fois. En vérité, je m’en fous, parce qu’un coin de ma tête me dit que comme ça, je ne pense pas à la petitesse de la cage d’ascenseur. Que je regarde mon état ?

- Et alors ? J’m’en fous, t’as qu’à me laisser crever ici ? Personne n’a jamais fait attention de toutes manières !

Je me débats comme un diable pour sortir de son emprise. J’ai une main de libre alors, c’est en boulet de canon qu’elle se transforme, prête à lui foutre un coup de mandale dans l’épaule. Je veux qu’il me lache. Je veux… Je tremble de colère, j’ai la haine dans le regard. Je déteste ce type !

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La colère qui était tapie et qui venait juste de sortir, me faisant péter un cable n'a pas besoin d'être alimentée. Pourtant, c'est bien ce qu'il fait. Je ne me rends pas compte que du coup, je ne panique plus d'être dans ce genre de boite de sardine. Il recommence, les mots sont secs et coupants et ça m'irrite encore plus, alors oui, je cherche à le frapper, parce que j'aime ma liberté, je ne veux pas qu'on m'attrape, je ne veux pas être enfermé, parce que ce sont bien ses paroles qui m'ont fait parler de quelque chose que j'avais enfoui au plus profond de mon être et dont je ne voulais plus jamais entendre parler. Maintenant, il sait mon secret. Et ça m'énerve, ma haine se déverse donc sur lui, dans ce coup de poing. Si je lui ai fait mal, j'en sais rien, il a juste reculé. Mais moi, en tout cas, j'ai eu mal. J'ai dû cogner les os de l'épaule, j'en sais rien.

Je suis tellement sur les nerfs, que malgré le coup, je tente de lui en donner encore, malgré la douleur dans les phalanges de la main droite. Lui, il me repousse, je ne m'en rends pas compte, dans un coin de la cage metallique. Et avant même d'avoir pu respirer, il plaque ses lèvres sur les miennes! Mais! Mais qu'est-ce qu'il fait? Mes yeux s'agrandissent à tel point que je ressemble à un petit bonhomme vert qui vient d'atterrir sur Terre. Mes poings se desserrent immédiatement. Elles sont douces ses lèvres. J'aime embrasser les garçons et cette douceur subite, je ne peux pas m'empécher de l'apprécier, de la désirer encore plus. Instinctivement, je cherche à approfondir le baiser. Je veux passer la barrière de ses lèvres, je veux jouer avec sa langue, je veux tellement plus qu'un baiser de lèvres contre lèvres. En tout cas, c'est clair que j'oublie ma peur. Mes doigts glissent sur son visage, encadrent ses traits et le garde près de moi, contre moi.

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Rendez-vous compte. Je suis en train de rouler une pelle à un type que je ne connais ni d'Eve, ni d'Adam. Je roule non seulement une pelle à un type que je ne connais pas, mais je le fais dans un ascenseur. Et cette pelle dans un ascenseur n'est pas dans n'importe quel ascenseur, mais bien celui du commissariat de police. Et du coup, ça fait de ce type que je ne connais pas un probable flic! JE SUIS EN TRAIN D'EMBRASSER UN TYPE QUE JE DETESTE DANS UN LIEU QUE JE DETESTE DANS UNE BOITE A SARDINES QUE JE DETESTE. C'est irréel. Surréel. Impossible. Et pourtant, c'est bien sa bouche que je sens sur la mienne. C'est bien son souffle qui se mêle au mien. C'est bien la pression de son corps que je sens sur le mien. Je sens une de ses jambes entre les miennes. Je m'agrippe instinctivement à sa nuque un peu plus, ma langue dansant avec la sienne avec plus d'ardeur encore. HEY, REVEILLE-TOI, LOU! Il est en train de te rouler une pelle et t'as plaqué contre le mur! Tu sais ce qui va se passer s'il continue. Je sors de cette... transe en un quart de seconde. Et je le repousse vivement, me dégageant du coin, tentant d'aller le plus loin possible de lui, mais ce n'est pas évident dans une petite cage d'ascenseur.

- Raaah, me touche pas! Vous inquiétez pas, je ne panique plus. Mon cerveau est complètement axé sur ce baiser torride qui vient juste de s'échanger et ma colère toujours à fleur de peau. Pourquoi t'as fait ça?

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La panique a cédé la place à la colère. Mais maintenant, avec la suprise du baiser et de son corps contre le mien, c'est de la colère maitrisée, pas totalement sauvage lorsque j'ai voulu me protéger de cette même panique qui m'avait fait dérailler. Je lui jette un regard meutrier et à nouveau il lève les mains et se recule dans son coin. Bien, qu'il y reste, le temps qu'on trouve une solution. Et merde, j'avais oublié qu'on est dans une cage d'ascenseur, enfermés comme deux c*ns et retenus par un petit cable en acien. Pourquoi je suis monté là-dedans, hein? Bon, un bon point, je suis tellement en colère que la panique a été muselée au fond de mon être. Tant mieux. Et le voilà qui s'approche et je monte ma garde. Je ne veux pas d'un nouveau baiser et encore moins qu'il s'approche de trop. Hein? Mon secret? Gné?

- Quel secret? J'ai un casier long comme le bras ici. J'ai pas de "secret". Bon, c'est faux. J'ai un secret c'est que malgré les rendez-vous chez l'agent de probation et les rencontres des AA, je continue à faire des conneries. Mais je suis un très bon menteur et depuis que je suis sorti de taule, personne n'a jamais rien vu. Si tu parles des coups de ceinturons, y'a les photos explicites dans mon dossier et si tu parles de la claustro, c'est pas non plus un secret. Je bute contre la paroi, merde, il est vraiment ridicule cet ascenseur. si tu parles d'être gay, c'est pas non plus un secret. Alors ta confiance, tu peux te la carrer où je pense, et bien profond. Jamais je ferais confiance à un flic. Et j'espère bien que tu ne me toucheras plus, sinon c'est mon poing que tu te remangera dans la tronche. Même si ça veut dire que Johnson me colle des TIG...

Johnson, le p*tain d'agent de probation qui se trouve seulement quelques étages au dessus et qui se ferait une joie de me recoller au trou... Il est peut-être là, mon secret, j'ai aucune envie de retourner en prison. J'y survivrais pas cette fois-là. Je crois que c'est devenue une phobie encore pire que la claustro... Je fais le malin, mais j'ai vraiment pas envie de retourner derrière les barreaux, je préfère mille fois les TIG que la prison...

Ascenseur OTISTES

Autant en temps ordinaires, je reste parfaitement prostrés face à des policiers, je ne dois pas faire de vague, je ne dois pas me montrer parce que ça voudrait dire un retour au trou, derrière des barreaux et j'ai passé suffisamment de temps en prison pour vouloir y retourner. Donc je me tiens à carreau face aux forces de l'ordre. Oui, mais ici, on est pas vraiment en face avec un uniforme. Et puis je panique. J'ai encore la pensée qu'on est dans une petite cage d'ascenseur suspendue sur dieu-seul-sait-quoi et que j'étouffe. Il a bien tenté de me faire oublier où je me trouvais et ça a marché, à moitié. En fait, non, totalement, mais pris de court comme ça, et toujours avec cette ombre d'être coincé, je n'ai pas pu retenir ma colère. J'ai pesté, gueulé, beuglé. Ca n'a pas l'air de lui plaire, car rapidement il gueule lui aussi, sa main puissante enserrant mon cou alors que je me retrouve plaqué contre la paroi. Je gigotte, pour tenter de me dégager, mais évidemment ça ne fonctionne pas. Et je perds plus d'énergie à essayer de faire plier son bras que de trouver de l'air pour respirer. Comment je le remercie? Comment? Il me faut quelques secondes. Le combat de rue, je connais désormais. J'ai toujours connu, gamin je n'ai jamais été le plus fort, mais j'ai toujours été rapide. Alors je lève le poing, comme pour le frapper. Je vois qu'il veut parrer. Mais s'il arrête mon bras, ce n'avait été qu'une diversion. Ma réelle intention a toujours été un coup de pied bien placé. Je suis certain que ça va toucher, que ça va faire mal. Tout ce que je veux, c'est me dégager. Je ne peux pas m'enfuir, on est enfermé dans une boite de sardine. Mais je veux simplement qu'il me lache. Les portes de l'ascenseur tremblent un peu. Des gens sont certainement en train de tenter de l'ouvrir. On entend leur cris, nous demander on est combien, est-ce que ça va. Mais moi, je garde le regard haineux sur Allen. Je lui ai peut-être mis un coup à l'entre-jambe, mais je ne fais rien de plus, ma main passe sur ma gorge, toussotant un peu, pour récupérer un peu d'air.

- Et bien abandonne-moi! Qu'est-ce que j'en ai à foutre? Casse tout ce que tu veux casser! Tue-moi si tu veux. T'es qu'un flic, t'oseras jamais!

Ascenseur OTISTES

Contrairement à ce que je pensais, le coup n’atteint pas la zone ciblée. Je ne sais pas comment il l’évite ou pare le coup, de toutes manières, je suis trop en colère pour ça. Ou plutôt, non, je ne suis pas en colère, je suis juste totalement paniqué par cette boite de métal qui me rend complètement cinglé. Lui n’aide pas le moins du monde. Moi non plus, remarquez, mais après m’avoir embrassé, après m’avoir touché sans me demander, après m’avoir énervé, voilà qu’il essayait de m’étrangler. J’en avais connu des cinglés en prison, mais lui, il tient le palmarès. Il s’approche, à nouveau beaucoup trop près, ses doigts enserrant mon cou une fois de plus. Et je me débats tellement pour rester conscient, par le manque d’oxygène, que je ne l’entends qu’à peine. Mon cerveau qui n’est plus irrigué ne comprend pas la teneur des mots. Quand il me lache, je ne tiens plus sur mes jambes et tombe par terre, à genoux, crachant presque mes poumons, cherchant l’air alors que mes poumons n’arrivent plus à se gonfler. C’est à ce moment que les policiers parviennent à ouvrir la cage d’ascenseur. Je sens une main sur mon épaule, une autre à mon bras et il faut bien deux personnes pour me trainer hors de là. Je tousse et crache mes poumons.

- Je savais bien qu’il y avait anguille sous roche. T’as pris quoi, Lou ? LSD ? MJ ? de la Snow White ? GHB ? Du crack ? Réponds !

C’est le c*nnard d’agent de probation qui est descendu par les escaliers. Il se penche vers moi quand il me parle, je suis toujours à terre, en train de cracher mes poumons, n’arrivant pas à respirer et lui, il me demande de parler ? Il soupire.

- Embarquez-le les gars, il va passer la nuit au trou.

Non ! NON ! Je me débats, comme je peux ! Je veux pas y retourner, je veux pas retourner en prison. Je ne sais pas d’où me vient cette énergie du désespoir, mais je bataille sévère pour que les deux gugus ne puissent pas me trainer vers les geoles. Le gras du bide relève le regard sur Allen.

- Désolé, c’est un p’tit con qui a jamais su tenir sa place. Il t’as agressé ? Il a un casier long comme le bras. Cette fois, il va retourner à l'ombre pendant quelques années supplémentaires. Ca lui fera les pieds.