Liv m'avait sortie carrément de la salle d'interro et j'avoue que sur le coup, ça m'avait mit en rogne. Il faut dire que l'attitude du mec m'avait bien remonter. J'avais l'impression d'avoir à faire à un pervers narcissique, mais qui ne se doutait même pas qu'il était le problème au coeur de cette histoire. Lorsque j'arrive à mon bureau, j'obtiens rapidement le consentement de la victime pour fouiller les sms échangés entre elle et l'agresseur, parce que oui, bien que rien ne soit clairement encore prouvé, à mes yeux, il était l'agresseur à coup sur de cette enquête. Il faut dire que j'avais à coeur ce genre d'événement. J'avais beau vouloir m'en dissocier, c'était plus fort que moi. Le prévenu me rappelait littéralement mon frère. Ce c*nnard qui ne fait qu'harceler les femmes qui lui refuse d'avoir un moment intime avec lui. Il faut dire que ce mec est complètement barjot. Toujours en train de mettre toutes sortes d'affaires sur le dos des autres. Il est bien chanceux d'avoir son titre d'avocat. Or, le mec assis dans la salle d'interro, lui, n'avait pas cette chance. C'était seulement un mec n'ayant rien pour lui. Ni le physique ni l'intelligence. Il me faisait pitié.

En revenant vers la salle d'interro, je croise Liv, tasse de café en main. Elle me demande ce que je comptais faire. J'ai l'impression d'être une gamine prise en flagrant délit de vol de biscuits. Je me mord la lèvre inférieur, réfléchissant à ce que j'allais lui répondre. Ce sera déterminant. Elle en avait vu bien d'autres avant moi. Je n'étais pas la première à qui elle fermait la porte de la salle d'interro et je ne serais certainement pas la dernière. À un moment où un autre, on est trop collé sur le cas et on refuse de le voir. Liv m'avait fait un cadeau, sans que je ne le sache. « Et bien... les preuves sont là. C'est clairement pas le crayon le plus aiguisé de la boîte» dis-je d'un ton nonchalant. Bon, encore un commentaire que j'aurais du retenir, mais c'était plus fort que moi. J'hausse les épaules et ajoute « On croirait presque à un appel à l'aide. Genre, il lui dit carrément ce qu'il compte faire, elle ne le prend pas au sérieux, sans doute croyant à une mauvaise blague. La pauvre fille... franchement, n'importe qui n'y aurait pas cru. Elle devait penser que c'était une mauvaise blague.»

Sans même ajouter quoi que ce soit, je suis Liv à son bureau où elle m'invite à m'asseoir. Ça ne sent pas bon pour moi. J'ai l'impression qu'elle veut me suspendre. En même temps, je n'en suis pas à ma première suspension pour insubordination. C'est même ma signature. C'est ce que dirait mon supérieur du poste où je travaillais avant. Je m'assois en face de ma supérieur et me frotte le bras, un peu angoissée. Avant même de répondre à ce qu'elle me demande concernant le dossier, je lui dis, en toute honnêteté « Est-ce que tu comptes me suspendre pour ce qui s'est passé là-bas?». Je pose le dossier sur le bureau et je l'ouvre. Des dizaine de pages d'échanges. Sur le site de rencontre, par texto également. «Oui, exactement! C'est du lourd! Lit à haute voix, parce que sinon tu n'y comprendra rien. C'est un vrai cancre! Il fait une faute aux trois mots. La pauvre Elena. Si douce et si naîve. Elle a sans doute le complexe de la sauveuse si je me fis à ce que je lis. Elle veut l'aider à se sortir de l'enfer de la drogue. Un ange descendu du ciel mais qui vivra un enfer durant trois jours.» Je baisse les yeux et croise les mains sur la table. Je n'avais pas encore rencontré la victime, mais clairement cette fille était l'exemple même de la fille gentille qui croit que tout le monde est bon. J'avais une grande empathie pour elle.