Pretty Man walking down the street

Il n'est pas loin de minuit lorsque j'arrive sur le trottoir que j'utilise d'ordinaire. C'est pas MON trottoir en particulier, après tout, tout le monde se trouve un coin ici, j'aime bien cette place-là, parce que c'est pas trop loin d'un bar miteux où on peut se réfugier s'il pleut comme vache qui pisse, c'est pas trop près non plus, comme ça les clients ne se sentent pas épiés, c'est sous un lampadaire, donc y'a de la lumière, je peux voir leur tête et éviter de prendre des types louches ou vraiment repoussant. Prostitués, gigolos, filles de bas-étages, on est tous logés à la même enseigne, donc dans ce coin là, il n'y a pas de dispute. Quasiment tout le monde a un mac, seules les filles du bout de la rue, là-bas, plus près du centre-ville "civilisé" sont indépendantes. Mais ici, on a pas le choix.

Adossé au lampadaire, j'allume une clope. J'ai déjà eu un régulier tout à l'heure, encore un client et je pense que j'aurai fait ma soirée. Je ne cherche pas à m'enfiler le plus de clients possibles, après le boulot devient trop... automatique et perd de sa saveur. Je cherche juste à me faire suffisamment pour pouvoir vivre au jour le jour. Avec un peu de chance, je me trouverais bien quelqu'un qui payera pour une chambre d'hôtel pour le restant de la nuit parce que là, je n'ai pu prendre qu'une douche de 5 minutes et j'ai besoin de me délasser un peu plus. J'ai quelques pauvres billets dans ma poche, c'est pour ça qu'il faut que je me trouve un autre client. J'ai besoin de dormir un peu aussi. Hmm, qu'est-ce que je ne donnerais pas pour un bon lit. J'avoue que ça par contre, c'est chiant.

Peut-être dans quelques mois, si j'arrive à diminuer ma consommation de cam' et si le souteneur me lache un peu la bride. Enfin, ça c'est une autre histoire. Je tire sur la taf', la tête reposée contre le réverbère, les yeux qui fixent la lumière criarde. Je vais me faire mal aux yeux si je continue, alors je soupire, crachant la fumée et regarde en face de moi. Les quelques maisons ou bâtiments de cette rue sont abandonnées... Et dire que 3 rues plus loin, c'est le centre effervescent de la ville, où il y a des lumières, des odeurs, des gens, de la joie partout. On nous oublie là, c'est mieux, c'est pas sur les cartes postales en tout cas... Je soupire. Je baisse la tête, j'étais tellement dans mes pensées que j'ai pas vu la voiture qui s'est arrêtée à mon niveau. Je tire sur la cigarette et me désolidarise du lampadaire pour m'approcher de la voiture et parler au conducteur à travers la vitre ouverte de la portière passager. Je lui souris. Il est loin d'être repoussant. Avec un peu de chance il va vouloir m'emmener à l'hôtel.

- On cherche de la compagnie?

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J'appuie les deux coudes sur la portière, croisant les bras, grand sourire aux lèvres alors que je le regarde. Bah quoi? Il faut bien appâter le poisson... Il ressemble à un Ken, de Ken et Barbie. Il a la belle gueule, le corps ciselé. Il pourrait faire penser à un psychopathe, mais il n'a pas la lueur lubrique dans son regard. Non, vu sa réaction, vu comment il parle, ça a l'air d'être sa première fois.

- Tu connais le prix, au moins? Je ne me dépars pas de mon sourire. 25 pour une passe et 100 pour la nuit complète.

J'attends de voir sa réaction. Parce qu'il y a toujours des psychopathes ou non, pire, des gars du SAMU social qui vous prèchent que la prostitution c'est mal. On a les témoins de Jéhova qui passent aussi, et le plus chiant, c'est les flics qui ramassent tout le trottoir en une fois. Le souteneur fait bien la gueule quand c'est le cas, mais maintenant, il a mis des guetteurs à chaque bout de la rue. Un coup de sifflet s'ils voient une bagnole de flics et il n'y a plus personne. Et les guetteurs, ils savent repérer des flics à 100 000 à la ronde. Enfin, bon, on est un peu plus tranquille depuis qu'il y a les guetteurs, les flics sont vite repérés. Aucune des prostituées n'aiment se faire malmener par un flic. Parce que ça finit toujours au poste de police, avec les insultes et les regards mauvais qui vont avec. J'ai le droit aux coups en prime. Et quand on revient auprès du souteneur, évidemment, on a pas d'argent et ça le fout dans une colère folle. Bref, tout ça pour dire, que ça pourrait être un flic en civil. Je l'observe encore un peu. Nan, il n'a pas l'air d'être un flic, il a pas ça dans le regard... Je me redresse et un très rapide coup d'oeil au dessus de la voiture pour fixer le véhicule du mac dans l'ombre d'une rue, plus tard, et j'entre dans le véhicule du futur client. Celui-là, il faut que je l'accroche, qu'il devienne mon régulier, parce qu'il est encore mieux de plus près.

- Tu m'emmènes où, du coup?

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"Je ne sais pas encore mais si je viens c'est que j'ai les moyens."

Il n’a pas idée du nombre de gens qui viennent ici, pensant qu’on fait ça pour des prunes. Je vois bien avec les filles, elles doivent en rembarrer plusieurs chaque nuit, parce qu’ils n’ont que quelques dollars dans leur poche. Un coup, comme ça, ils pensent quoi ? Qu’on fait ça pour deux francs, six sous ? Alors dire qu’il a les moyens, cela ne me convainc pas. Mais j’ai besoin de flouze, sa bagnole n’est pas un premier prix et il a la tête d’un fils de riche, alors pourquoi pas.

Je grimpe donc. J’entends quasiment immédiatement le clic des portières qui se verrouillent. Ca me rend nerveux, mais j’arrive à le cacher derrière un masque souriant. Ce sont les pervers et les machistes qui verrouillent les portières. Immédiatement, mon regard cherche le bouton qui déverrouille. Si jamais ça tourne mal, je n’aurai qu’à appuyer dessus. Ce ne serait pas la première ni la dernière fois qu’on me fait ce coup-là… Je lui demande où on va parce que… bah, j’aime bien savoir.

"Tu verras bien, mais tu vas apprécier..."

P*tain, c’est définitivement un pervers. Je vais encore me manger des coups. Ou pire, il va m’attacher, me découper en rondelle et me donner à bouffer aux canards. Je veux pas finir comme ça. Je veux… vivre encore un peu… Je ne veux pas me prendre des coups non plus. Bordel, mon corps c’est mon gagne-pain, si jamais il l’abîme… Je… J’aime vraiment pas ça. Mon regard darde à l’extérieur, je veux savoir où l’on va. J’essaie de repérer les mêmes endroits où je suis déjà allé avec des clients.

"Tu t'appelles comment?"

- Sugar.

Je suis nerveux. D’ordinaire, j’aurai discuté avec le client. J’aurai demandé son nom ou quelque chose du genre. J’aurai dit « appelle-moi comme tu veux » parce que généralement le client aime bien me donner un surnom, mais là, je sors « Sugar » parce que j’ai la gorge nouée. Déjà qu’il verrouille les portières et ensuite il dit un truc bizarre sur le lieu que je devrais apprécier. Ca ne sent vraiment pas bon cette histoire… Je veux pas mourir moi ! Je veux pas être torturé ! Je ne suis pas là pour un concours de SM, je suis là pour une partie de jambes en l’air, c’est tout.

- Ecoute, je choisis mes clients et je fais pas dans le hard core. Tant pis si c’est à mon tour de lui faire peur, mais je préfère rester en vie et devoir rentrer à pied, plutôt que de mourir de la main d’un psychopathe. Va falloir que tu me dises ce que tu veux, où tu m’emmènes et que tu déverrouilles les portes.

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"Sugar, c'est marrant comme pseudo. Appelle moi... Dex. Après tout je ne vois pas pourquoi je te donnerais mon vrai prénom."

Je le regarde sans mot dire. Le client est roi après tout. Mais ce qui me surprend, c'est le contenu de ses paroles. Déjà qu'il pense que "sugar" c'est un pseudo marrant. Dois-je lui rappeler que les prostituées ont toutes des pseudos du même genre? Candy, Crystal, Passion, Bunny... Et puis, sa deuxième phrase. "je ne vois pas pourquoi je te donnerais mon vrai prénom"... Lui, il n'a pas l'habitude d'aller aux prostituées. Je souris, la pensée que c'est sa première fois avec le monde de la nuit me traverse l'esprit. Il s'arrête sur le bord de la route. Là? Il veut faire ça, là? C'est passager, pourtant... Même à cette heure de la nuit. Et là encore, il me surprend avec ses paroles. Il voulait m'emmener chez lui? Un prostitué? Il voulait vraiment ramener un prostitué chez lui? Ca prouve et confirme ce que je pensais. Il n'a jamais eu affaire à la prostitution. Je me retiens de rire tout aussi fort qu'il l'a fait. Je reste impassible. JE me sentirais plus à l'aise? Oh, il est mignon, mais ici ou ailleurs, je me sens à l'aise. C'est plutôt lui qui ne serait pas à l'aise... Au moins, les bases sont posées quand il repart en direction de... bah de l'hôtel dont il a parlé, je suppose. N'ayant pas attaché ma ceinture de sécurité, je pivote sur mes hanches et en deux secondes, me contrefichant totalement du fait que la voiture roule, je passe un genou de part et d'autre de l'homme, m'asseyant, face à lui, sur ses cuisses. Avec les années, j'ai eu l'habitude de me faufiler partout, de faire ça dans n'importe quelle circonstance, dans n'importe quel endroit et à n'importe quel moment. Pour ne pas l’empêcher de conduire, ma tête vient dans son cou et j'y dépose des baisers alors que mes mains descendent à la recherche de la ceinture dans le but de la retirer.

- Je suis à l'aise partout... Et ceci est un avant-goût.

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Il conduit et j'ai un peu de temps avant d'arriver à l'hôtel. Il semble perplexe sur le fait d'avoir un prostitué dans la voiture. Enfin, non, pas perplexe, il semble considérer ça comme... bah pas comme quelque chose de... rah, je n'ai pas les mots. C'est embrouillé, je ne sais pas pourquoi. C'est pourtant mon boulot, je fais ça depuis trop longtemps, je fais ça tellement facilement... Alors pourquoi c'est embrouillé aujourd'hui? Ca devrait être tellement facile. Surtout si, comme je le soupçonne, c'est sa première fois. Avec un prostitué.

Je change de position. Pendant qu'on roule, pendant qu'on se dirige vers l'hôtel. Je pense savoir où on va, je suis déjà venu avec un client. Plusieurs même. Une fois, ça s'est mal passé et cette fois-là, au lieu de devoir appeler mon souteneur, c'est le gérant qui m'a aidé. Donc d'une certaine façon, ça me rassure d'aller là-bas. Je sais que si ce Dex vient à s'en prendre à moi, le gérant de l'hôtel pourra m'aider, du moins j'espère. C'est pour ça que je ne fais plus attention à la route et vient sur lui, à cheval.

C'est dangereux? Bien sur que ça l'est, mais c'est aussi terriblement excitant, non? Il accélère, je le sens. Il veut arriver vite, et d'ailleurs, je n'ai pas le temps de lui défaire complètement la ceinture, qu'il est déjà garé. Je suis repoussé, mais je garde le sourire. L'éclat dans mon regard est celui de quelqu'un qui veut bien plus que donner des bisous dans le cou. C'est lui qui se redresse pour m'embrasser et mes mains glissent le long de son visage, mes doigts dans ses cheveux, l'embrassant comme si ma vie en dépendait.

Quand on se sépare pour reprendre notre souffle, mon pouce passe sur ses lèvres.

- Manger du sucre est dangereux pour la santé...

Je souris avant d'ouvrir la portière pour descendre de la voiture. Oui, je reconnais l'hôtel. Je n'ai pas peur qu'il me fasse du mal, parce que le gérant sera là, hein? Je sais me tenir et resterais discret, le temps qu'il passe par la réception. Je ne veux pas faire fuir mes clients. Je hoche la tête, légèrement, pour saluer le gérant avant de suivre mon client jusqu'à la chambre. Ce n'est qu'une fois à l'intérieur des murs de la chambre que je vire ma veste. Avant d'attaquer les choses sérieuses, j'annonce la couleur des cartes.

- Y'a deux conditions pour m'avoir. Tu me paies avant. Et ça... Comme par magie, je montre un préservatif entre l'index et le majeur, semblant sorti de nulle part. c'est obligatoire.

Je suis clean, je compte bien le rester. Pas question qu'un client me refile je sais pas quoi.

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Vendre mon corps contre un peu d'amour, ça ne m'a jamais dérangé. C'est un boulot comme un autre. Au contraire, je pense qu'il est encore plus plaisant que n'importe quel boulot. Rester enfermer, le c*l vissé sur une chaise pendant 8h, je ne pourrais pas faire ça. Surtout si c'est pour écrire sur du papier ou sur un ordinateur. Le seul truc chiant quand on est prostitué, c'est que le client est quelques fois pas à son gout. Il y a ceux qui aiment la brutalité, qui ne savent pas y faire. Mais mettre le hola est quelques fois difficile, néanmoins, ça ne reste que du s*xe. Voilà pourquoi je veux être payé avant. Parce que c'est bien gentil de me dire qu'il a de l'argent, que ce n'est pas un problème, mais je veux le voir, cet argent, sinon, il n'y aura rien. Pire que ça, si je travaille sans être payé, je me prends une dérouillé maison par le souteneur et j'ai pas envie de me retrouver avec des bleus...

Alors c'est bien ce que je lui dis, en entrant dans la chambre. Ca et le préservatif. Je ne sais pas où il a trainé et il ne sait pas où j'ai trainé. Je sais que ni lui, ni moi ne faisons confiance à l'autre, alors ça sera ça ou rien. J'ai survécu dans la rue depuis une dizaine d'année sans chopper une seule maladie, je ne commecerais pas aujourd'hui. Sur ses deux points là, je serai catégorique. J'aime pas quand cela devient violent ou bizarre, mais je me plie aux volontés du client, par contre, le fait d'être payé et d'utiliser ce bout de plastique, ça, je ne laisserai jamais passé. Il s'occupe à fermer les rideaux, puis pose sa veste sur une chaise. Il fait apparaitre un billet de 100 direct. Il se trimballe avec des coupures aussi... grosse que ça? Ca prouve que ce qu'il dit est vrai. L'argent ne semble pas poser de problème. Je reviens sur mes pensées d'avant. J'aimerais bien qu'il devienne un régulier!

Il s'approche et je sens sa main sur mon postérieur. J'entends même le billet se plier dans ma poche. Le sourire s'étale sur mon visage. Si je pouvais, je ronronnerais. Il est clean? Peut-être, il ne semble pas avoir menti, mais je reste sur ma position. Pas question de faire ça. Il ne me laisse pas le temps de répondre car il vient s'approprier mes lèvres. Et je lui rends pareillement le baiser. Mes bras s'enroulent autour de sa nuque. Juste le temps d'un baiser. Puis mon cerveau se met en mode travail. Mes doigts défont sa chemise alors que mes lèvres quittent les siennes et embrassent son cou. A l'aveugle, la chemise et virée de ses épaules et balancée par terre, là où elle ne gênera plus. Sans perdre de temps, mes doigts s'attaquent au pantalon, sans le lui retirer alors que mes hanches pivotent. Je le pousse vers le lit et j'en profite pour faire passer au dessus de ma tête mon t-shirt qui tombe lui aussi à terre.

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Des hommes entreprenant, j'en ai eu à la pelle. Ils pensent qu'ils savent tout, ils prennent, ils paient et ils s'en vont. Ils gérent du début à la fin le contrat silencieux que l'on signe. Ils savent ce qu'ils veulent et ils savent comment l'obtenir. Ils ne font pas dans la dentelle généralement et surtout ils ne perdent pas leur temps avec les préliminaires. Il y a quelques hommes indécis qui eux, vont aux prostitués pour "se lacher", parce qu'ils n'ont pas d'autres choix, ils se laissent totalement faire et ça traine souvent en longueur. Et puis il y a les autres, les premières fois. C'est plus courant qu'on ne le croit. C'est plus facile de payer un ou une prostituée pour sa première fois, parce que cette personne-là, on ne la verra plus jamais. On peut faire sa première fois avec l'amour de sa vie, mais je pense que dans un coin de la tête, il y a cette gêne, cette honte si jamais on rate, on n'aime pas... Alors qu'avec une fille de joie, c'est tellement plus simple.

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Il y a des gens qui ont horreur de leur boulot. Qui trainent les pieds en allant au turbin. Qui n’apprécient pas les collègues, les horaires, les dossiers, les open-spaces, j’en sais rien tout l’univers de leur boulot. Je peux vous certifier qu’à cet instant précis, j’aime mon travail. Vendre son corps pour du plaisir, il n’y a rien de plus excitant. Vendre son corps pour se sentir désirer, il n’y a rien de mieux. Si l’attente d’un client me frustre et me rend quelque peu mélancolique, cette chambre d’hôtel me fait tout oublier.