En ce dimanche matin ma librairie était fermée. Oui c'était mon seul jour de congé de la semaine et cette semaine avait été compliquée. Ma psychiatre m'avait demandé d'écrire une lettre à une personne qui avait quitté ma vie, que celle-ci soit vivante ou morte et que je lui raconte l'entièreté de ma vie. J'avais trouvé cette idée ridicule mais je m'étais exécuté malgré tout. Adressant cette lettre à mon géniteur, j'avais déversé ma haine et ma colère contre cet homme qui nous avait effacé de sa vie comme moi et mon cher et tendre grand frère n'avions jamais existé. J'avais brûlé cette lettre. J'aurais dû lui envoyer d'après ma psy mais à quoi bon? Il n'en aurait probablement rien eu à foutre.

C'est avec cette pensée plutôt colérique que je m'installais à la terrasse de ce petit café. Je sortis un livre de mon sac, le dernier roman de Stephen King qu'il fallait absolument que je lise afin de pouvoir le présenter rapidement dans la librairie et en donner un avis constructif à nos lecteurs.

Je ne devais pas avoir l'air très sociable quand j'y repense. Un livre à la main la mine renfrognée d'une colère que je ne cessais de refouler.

Je fus surprise d'être abordée par une une jeune femme. Elle semblait ne pas se sentir bien, elle palissait de seconde en seconde. Je fronçais les sourcils d'inquiétude. Elle me demanda si elle pouvait s'asseoir me promettant de ne pas me déranger.

- Asseyez-vous, vous êtes pâle, est-ce que ça va ? Demandais-je avec sollicitation et inquiétude.

Je secouais la tête quand elle répéta qu'elle ne souhaitait pas me déranger.

- Vous ne me dérangez pas ne vous inquiétez pas.

Mon visage avait changé montrant un sourire doux et heureux loin de la colère qui l'avait envahi quelques minutes plutôt.

Le serveur arriva et il pris notre commande avant même que je puisse me présenter à la jeune fille. Lorsqu'il amena nos boissons je payais l'entièreté de la commande ne laissant même pas le temps à la demoiselle de sortir son portefeuille. Lorsqu'il repartit je dis:

- Au fait je m'appelle Nevaeh...

La jeune femme finit par s'asseoir en face de moi. Elle sembla hésitante lorsqu'elle me répondit qu'elle était probablement un peu malade. Comme si elle ne disait pas tout, une partie de ma personne avait envie de creuser plus la question, de lui demander pourquoi elle était si mal à l'aise s'il ne s'agissait que d'une indigestion - Parce que oui vu sa tête, elle semblait à deux doigts de vomir son petit déjeuner, mais l'autre partie de moi, celle qui avait porté une petite fille pendant huit mois avant que cette dernière perde la vie dans un accident de voiture qui m'avait obligé à accoucher d'un enfant mort, savait que parfois nous ne voulions pas être embêté avec des questions indiscrète.

- Le soda au gingembre c'est plutôt pratique contre les nausées qu'elles soient dues à une gastro ou à un Minimoys envahisseur qui ne paye pas de loyer mais qui squatte pendant neuf mois, ça sauve la vie. Dis-je avec un sourire heureux, laissant entendre que si elle avait besoin de se confier je pouvais être cette oreille inconnue et sans jugement.

Lorsque nos boissons arrivèrent, elle sembla gênée que je paie et dit ne pas savoir comment me remercier. Je n'avais guère besoin de remerciement ce n'était qu'un café rien de plus. Je lui souris simplement sans rien répondre, après tout ce n'était qu'un Starbucks.

Elle se présenta à son tour et mon sourire s'aggrandit lorsqu'elle complimenta mon prénom. Après tout celui-ci était un anagramme du prénom de ma grand-mère paternelle et même si je ne l'avais jamais connue -elle était décédée bien avant ma naissance, ce qui explique pourquoi mon père avait tant insisté pour que je porte ce prénom- j'étais presque certaine qu'elle aurait été heureuse que je porte un prénom qui lui rendait tant hommage.

- Merci, hé bien enchantée Phoebe. Toujours mon grand sourire aux lèvres.

Nous continuons à discuter et elle finit par me demander si nous pouvions nous tutoyer et afin de ne pas la couper dans son élan je hochais la tête confirmant ainsi que le tutoiement serait plus simple pour tout le monde.

Lorsqu'elle me demanda si j'étais originaire de San Francisco, j'eus quelques secondes de réflexion, car la réponse était "non" mais en même temps nous étions arrivés ici alors que je n'avais que quelques mois, donc c'était tout comme, non ?

Je finis par répondre:

- Je ne suis pas née ici mais ma mère, mon frère et moi avons déménagé à San Francisco quand j'étais encore un nourrisson. Je pensais repartir après mes études mais après le décès de notre mère j'ai hérité de "Bound together Books" à Mission District, donc je suis restée ici pour redonner une nouvelle vie à la librairie pour laquelle ma maman s'est battue si longtemps.